Il y a ironie... Et ironie !

Avant hier au soir, pendant la soirée, je discutais avec un groupe de personnes où plusieurs échanges se croisaient et s’entrecroisaient à un rythme frénétique. Doté de deux oreilles mais d’un seul cerveau dont la perte neuronale est entamée depuis un bon moment, je n’ai pas pu tout capter. Une phrase a frappé mon attention toutefois. Heureusement du reste car elle m'était adressée. Un de mes locuteurs a repris à son profit une phrase de La Bruyère extraite des « Caractères » et qui traitait de l’ironie. Je n’ai hélas (quand je vous dis que mes neurones me fuient) pas retenu la phrase mais en voici son sens. En gros, l’ironie serait l’arme des faibles d’esprit, des lâches, de ceux qui n’auraient rien à dire ou pas grand-chose et qui, de surcroît n’oseraient pas. Bref, des sous développés du bulbe rachidien un peu couards. Et mon interlocuteur de rajouter que c’était sur cette phrase précise qu’il avait décroché sa meilleure note de philo durant sa scolarité.

Moi qui n’ai qu’une ironie de bovidé (j’emprunte ici à Jules Renard une jolie idée couchée sur son « Journal » : Je n’ai qu’une ironie de ruminant. Je ne m’amuse que du souvenir des choses), j’ai repensé, ce matin, en sirotant mon café à cette discussion.

Un détail me titillait. J'ai validé mes doutes par un coup de fil auprès d’une vieille copine encore prof de français en exercice dans un lycée parisien : La Bruyère n’est pas et n’a jamais été inscrit au programme de philo mais à celui de français en classe de 1ere. De ce point de vue là, ma mémoire était encore bonne ! Ceci étant, cela n’enlève rien à la qualité de ses écrits qui, en l’espèce, et sous réserve que mon contradicteur n’ait pas abusivement attribué la citation à cet auteur, me semble relever du paradoxe. En effet, si La Bruyère a jeté sur son vélin cette phrase (eh non, je n’arrive toujours pas à me la remettre dans les oreilles), comment se fait-il qu’une des « armes » maitresses des « Caractères » soit l’ironie qui s’applique à l’encontre des personnages dont il fait le portrait, contre ses contemporains et aussi contre lui-même ? Ah ? Hein ? Je te le demande Fernande ?
Et puis, toute phrase sortie de son contexte, ne travestit-elle pas la pensée de celui qui l’a formulée ? D’ailleurs, La Bruyère n’a-t-il pas justifié sa truculente ironie, entre-autres par cette phrase « Qu’il est difficile d’être content de quelqu’un ! « (65, 147). ?
Personnellement, j’aime bien l’ironie. Elle donne du relief aux choses, aux évènements et aussi aux personnes. Renard lui reconnaissait, dans son « Journal » donner de la gaîté à la vie.
Quant à moi, je vais conclure cette petite dissertation sans prétention sur une pensée personnelle profondément bouleversante : il est toujours facile de faire dire ce que l’on veut à des morts, fussent-ils célèbres ! (La preuve) … Ainsi que sur une citation d’Anatole France « Sans ironie, le monde serait comme une forêt sans oiseau »