La houppelande magique.
Il était une fois, il y a bien plus que très longtemps, dans
le bout du presque bout du Mor Braz occidental, un petit village peuplé de
quelques poignées de lutins qui vivaient paisiblement. En cette époque reculée,
les lutins rusés et malins et inversement et réciproquement connaissaient déjà la
nécessité de s’organiser. C’est pourquoi ils avaient porté à la tête de leur
petite communauté des lutins ou des fées supposés veiller au bien de tous.
Ainsi, la fée Madamjai, le père Fanch, aussi appelé le lutin
bâtisseur car il construisait sans trêve ni repos routes
et bâtisses jusque et y compris dans les champs de poireaux si l’on en croit de vieux parchemins récemment retrouvés, Yann le constructeur de pont anglais venu d’au-delà l’endroit où la
terre se rétrécit, Hérik le lutin joyeux ainsi nommé par ses pairs car il
organisait toutes les fêtes du village, Elesbed Hindebrék’feust la spécialiste
de l’accueil des elfes, nains et gnomes étrangers au village et quelques autres
lutins et lutines dont Bécassine (qui est définitivement ma cousine) veillaient
à la bonne harmonie du village.
Les lutins étant des râleurs par excellence, de temps en
temps, au cours de grandes cérémonies qui avaient lieu chaque mois à la nuit
tombée, sauf en gouhere et en eost, mois qui sont aux réunions de lutins ce que
les mois sans R sont à la consommation des huitres, la fée Madamjai sortait de sa
vaste houppelande magique un skoazell voire moult skoazells pour que le lutin
bâtisseur puisse construire tout ce à
quoi rêvaient les lutins voire même ce à quoi ils ne rêvaient pas du tout, mais
alors pas du tout du tout, pour qu’Hérik organise des danses entre les menhirs
et pour qu’Elesbed Hindebrék’feust trouve, hors du Mor Braz occidental, un
druide diplômé bilingue lutin-nains.
La vie aurait pu continuer paisiblement ou presque. Mais,
chez les lutins, il était interdit de porter la houppelande magique pendant trop
longtemps. Se posait alors, de temps en temps, la question de savoir qui allait
revêtir ce magnifique habit, source de puissance, d’amour, gloire et beauté
mais aussi d’immunisation contre le « mal ardent » maladie que les
lutins craignaient bien plus que de voir le ciel leur tomber sur la tête,
guérissait de la maladie des écrouelles et immunisait contre la
toxoplasmose !
Le père Fanch se serait bien vu enfiler cet habit magique et
il avait pour cela l’approbation de la fée Madamjai qui aspirait à une paisible retraite. Il est à remarquer que curieusement à cette époque lointaine, le régime de retraite des fées était particulièrement avantageux. Autre temps ! A la perspective de vêtir la houppelande les
poils de la barbe du père Fanch frisouillaient de bonheur. Mais d’autres lutins, nombreux, pensaient que
cette houppelande se révèlerait à l’usage bien trop grande pour lui et qu’il
finirait par se prendre les pieds dedans.
Non loin de ce tranquille village, dans une grotte cernée par des nids de
courlis, vivait Poulpiquet qui, après être parti bouder des jours en des jours
en pleine mer, était subrepticement revenu par une nuit sombre et funeste.
Poulpiquet rêvait également de se couler dans la houppelande magique aux fins
de distribuer, lui aussi, moult skoazell pour mener à bien des projets fumeux
et prouver ainsi à ces imbéciles de lutins qu’il était bien plus intelligent
qu’eux. Mais tous les lutins qui le croisaient marmonnaient en le voyant
« Mankout a ra loaiad dezhan ! *». L’affaire était donc mal engagée pour
l’acariâtre korrigan.
Un soir, alors que Poulpiquet dévorait force de cumumis
sativus pour son diner, il eut une idée. Il lui fallait « un programm, ar
programm !». Il se saisit alors d’un grimoire en peau de poulpe et
trempant une plume de goéland dans un bocal contenant une décoction de vinaigre
blanc et d’eau il commença à écrire.
- En finir avec la bande des cinquante Mhêtes. (NDT : les
Mhêtes étaient une bande de gnomes qui s’étaient installés il y a fort
longtemps au plus près de l'océan et que Poulpiquet voulait chasser loin du village,
jaloux qu’il était que sa caverne n’ait pas une belle vue sur la mer).
- Utiliser « ar neudenn » pour attacher des «
clahoudes » au dessus du village.
Poulpiquet se dit que pour ça il faudrait une très grosse
skoazell mais avec la houppelande magique tout serait possible.
- Construire une route plus large pour se rendre chez Yann Ar
Véloioù le chef du village voisin qui avait une houppelande encore plus belle
que celle de la fée Madamjai. Ainsi il attendrait moins longtemps ses bocaux de
« Fin de Meaux » et « d’Amélioré de Bourdonne ».
- Imposer à ces crétins de lutins son projet de gigantesque
chaudron.
Une fois la rédaction de son parchemin terminé, Poulpiquet
alla le placarder sur tous les arbres du village et de ses alentours puis s’endormit
du sommeil du juste.
Le lendemain matin, les lutins découvrirent la prose de Poulpiquet.
Tous rirent à s’en tenir les côtes. L’un d’eux eut même une idée.
Quand Poulpiquet se réveilla et alla, en rasant les murs, effectuer un tour dans le village il découvrit ses grimoires recouverts d’une
phase bien ironique : « A-raok kanan ar gosperoù e ranker anaout an
oferenn abred ** ».
* Il lui maque une louche à celui-là (il a une case de vide).
** Avant d'attaquer, il faut connaitre son affaire.
Et pour les quelques mots qui trainent de ci de là : Dico breton
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